mercredi, juillet 20, 2005

Frontières maritimes du Golfe Persique

Frontières maritimes du Golfe Persique
06.07.2005

Le cas des îles de la Grande et Petite Tumb et d’Abou Moussa

En janvier 1968 le gouvernement britannique mit fin à la Pax Britanica dans le Golfe Persique et instaura un état d’urgence qui ouvrait une nouvelle ère nécessitant une plus grande coopération entre les états de cette région. Au fur et à mesure que l’exploitation pétrolière se développait dans la région, il devint primordial de définir avec précision les frontières et les territoires.

Le Golfe Persique se dessine dans la continuité de la bordure naturelle du continent asiatique. Il a une profondeur moyenne de 50m et sa forme de rectangle incurvé place face à face les états arabes sur la rive sud avec l’Iran sur la rive nord.

En 1965, L’Iran avait obtenu des britanniques la reconnaissance de la ligne médiane des rives opposées comme la frontière entre le domaine maritime iranien et ceux de ses voisins arabes.

Il était prévisible que les emplacements des nappes pétrolières souterraines dans le périmètre du Golfe Persique ne coïncideraient pas nécessairement avec les tracés des frontières maritimes qui ne concernent que les eaux : les structures d’exploitation du pétrole peuvent chevaucher les frontières, d’où conflit !

C’est pourquoi l’Iran a décidé de proposer à ses voisins une mesure préventive pour éviter les conflits de cette nature. Il s’agissait en fait d’une mesure générique existant dans toute réglementation maritime continentale. La proposition iranienne prévoyait qu’aucun puits de forage ne puisse être exploité sans un accord entre voisins dans un couloir de 125 m large placé sur la frontière médiane défine en 1965.

Mis à part les frontières internes des Emirats Arabes Unis, huit états avaient accès au Golfe Persique et il a été nécessaire de définir pas moins de 16 frontières entre ces états. Sept pays ont accepté de prendre part à ces négociations pour l’établissement des frontières dont quatre d’entre eux avaient des frontières avec l’Iran. Deux des négociations furent extrêmement complexes : celle avec l’Arabie Saoudite et celle de 1971 avec l’émirat de Sharjah à propos de l’île d’Abou Moussa.

D’autres négociations ont abouti à l’établissement de frontières continentales : en 1970 avec le Qatar, en 1972 avec le Bahrein, en 75 avec l’Oman et avec l’Irak sur la frontière intérieure notamment le long du fleuve Karoun. Quant au Koweit qui se trouve à la pointe du Golfe, les accords frontaliers ont été esquissés dès 1962 mais ils ne sont pas en vigueur en raison des différents frontaliers Irako-iraniens et Irako-Koweitiens.

En tout, à deux endroits, les frontières maritimes iraniennes n’ont pas été établies : la zone nord-ouest entre l’Iran, le Koweit et l’Irak, et aussi la zone entre l’Iran et les Emirats Arabes Unis autour de trois îles : La Grande et la Petite Tumb et l’Abou Moussa.

La Question des deux îles Tumb et d’Abou Moussa Fin XIXeme et début XXeme, bon nombre des îles iraniennes du Golfe Persique étaient occupées par les britanniques soit directement, soit indirectement au nom de la présumée souveraineté des soi-disants « Etats de la Trêve » (« La côte des pirates » à partir de 1820, va tomber sous la coupe des Britanniques qui cherchent à protéger la route des Indes. Ils vont imposer le « Traité de la trêve » et transformer cette région en protectorat. Ce traité exclusif imposait aux Émirats, à Bahreïn, au Qatar et au Koweït de ne nouer aucune relation politique ou économique avec un autre pays que la Grande Bretagne, en échange de sa protection). Cette occupation indirecte concernait les deux îles de Tumbs, l’île d’Abou Moussa aussi bien que celles de Gheshm, de Hengam et de Sirri.

A la même époque, en 1888, une carte militaire britannique livrée à Téhéran, au Shah de la dynastie Qajar, attribuait la propriété de ces îles à l’Iran. Ce fait a été réaffirmé à la publication en 1892 du livre « La Perse et les problèmes Persans » de Lord Curzon, secrétaire d’État britannique aux Affaires Etrangères (Foreign Office), livre dans lequel les cartes représentaient les îles comme faisant partie intégrante du territoire iranien.

Au début du XXeme siècle, la présence russe dans le Golfe Persique se faisait pressante, l’inquiétude britannique s’intensifia. En 1902, une rencontre secrète à la Foreign Office déboucha sur le lancement d’un plan d’occupation de ces îles stratégiques qui dominaient l’embouchure du Détroit d’Ormuz. Cette décision a été communiquée aux administrateurs politiques des Indes et du Golfe Persique dans un mémorandum daté du 14 Juillet 1902. Un an plus tard, l’occupation des deux îles de Tumb et celle d’Abou Moussa a été approuvée par le gouvernement Indien au nom du Sheikh de Sharjah.

Cet événement survint alors que l’Iran était au bord de la guerre civile et que l’autorité du pouvoir central y était à son plus bas niveau. Il se passa plus d’un an avant que les iraniens réalisent ce qui s’était passé dans le Golfe. En avril 1904, durant sa tournée dans les ports et les îles du sud, le Directeur des Douanes de l’Iran découvrit que le drapeau iranien avait été remplacé par celui du Sheikh de Sharjah sur les deux îles de Tumb et sur l’île d’Abou Moussa. Il ordonna d’abaisser le drapeau étranger et de hisser le drapeau iranien. Il plaça aussi deux gardes armés sur l’île d’Abou Moussa. Hélas, le drapeau iranien fut à nouveau retiré après son départ par les forces d’occupation. Par la suite, les deux parties décidèrent de maintenir un statu quo, en vue de futures négociations.

Cependant, l’Iran continua quelques actions afin de recouvrir ses droits sur ces îles. Constatant la présence de contrebandiers sur ces territoires, les services douaniers iraniens ont adressé en 1927 une lettre au gouvernement central de leur pays exigeant la présence de postes d’observations sur les trois îles. De petits bâtiments de la marine iranienne ont été dépêchés pour recouvrer les Tumbs et l’Abou Moussa et mettre fin à ces problèmes.

Les Négociations Anglo-Iraniennes en 1928 En 1928, L’Iran fit part de son intention de soumettre le conflit contre les britanniques à l’arbitrage de la « Ligue des Nations ». Cette annonce incita les britanniques à se décider et à entamer des négociation sur les statuts des deux îles Tumbs et celles d’Abou Moussa et de Sirri. Les négociations débutèrent en janvier 1929 et se poursuivirent jusqu’à la mi-printemps de la même année sans aucun progrès. Le gouvernement conservateur de Baldwin laissa la place en mai 1929 à un gouvernement travailliste et Arthur Henderson remplaça Chamberlain aux Affaires Etrangères. Henderson avait une vision plus rigide de la politique coloniale de la Grande Bretagne dans le Golfe Persique. Il mit brutalement fin aux « négociations de Clive ». Cette arrêt brutal des négociations engagea l’Iran, dès 1930, dans une série d’actions afin de recouvrer sa souveraineté dans ces îles.

Le Retour du Sheikh de Ras al-Kheimah sur l’île de Tumb En 1934, le gouverneur du Port de Bandar Abbas (en Iran) se rendit en visite officielle sur la Grande Tumb, suite aux négociations préalables et à un accord secret avec le Sheikh de Ras Al Khaimah, ce dernier ayant accepté d’abaisser son drapeau et de hisser le drapeau iranien sur cette île. Peu avant l’arrivée du gouverneur de Bandar Abbas, la marine iranienne avait pris position dans les eaux territoriales du Tumb. Ces mouvements attirèrent l’attention des britanniques qui protestèrent vigoureusement et informèrent oralement le gouvernement iranien qu’ils défendraient par la force les intérêts des Etats de la Trêve. Ils mirent à exécution leur menace et rétablirent la situation précédante.

Evolutions ultérieures Après la seconde guerre mondiale, en 1948, les iraniens avaient exprimé le souhait d’installer des bureaux administratifs sur les deux Tumbs et sur l’Abou Moussa mais les britanniques faisaient mine d’ignorer ces demandes. Du côté iranien, différents types de réactions avaient été envisagées, certaines rumeurs faisaient état en 1949 d’un recours auprès de l’ONU, d’autres laissaient entendre une intention de la prise des îles par la force. Le gouvernement iranien reçut alors une note de l’Ambassade Britannique à Téhéran lui rappelant les positions sans ambiguïté du gouvernement britannique à ce sujet. En réponse, au mois d’août de cette année 49, la marine iranienne débarqua sur la « Petite Tumb » pour y faire hisser le drapeau iranien : la marine britannique céda, quittant rapidement ce territoire.

Les revendications et les actions iraniennes pour le recouvrement de ces îles continuèrent jusqu’au moment où les britanniques décidèrent de se retirer de cette région. La question n’a cependant cessé d’être débattue jusqu’en 1971. Les britanniques défendaient les intérêts de leurs protectorats. Les négociations s’achevèrent en 1971 mettant fin à 68 ans de protestations et de demandes iraniennes pour recouvrer notre souveraineté territoriale. Cette souveraineté a été conquise grâce aux négociations menées avec les britanniques et non par la force comme le prétendent les Emirats Arabes Unis. Dans le cas contraire, les britanniques auraient protesté par voie officielle contre cet accord (angl.Memorandum of Understanding) entre l’Iran et L’Emir de Sharjah (concernant l’Abou Moussa, tout aussi bien qu’ils auraient protesté s’il y avait eu une occupation iranienne des deux Tumbs sans leur accord).

Reprise des revendications sur les îles Les autorités iraniennes ont été informées de l’intrusion sur l’île d’Abou Moussa d’un groupe d’étrangers depuis Sharjah. Le Haut Conseil de EAU (Emirats Arabes Unis) se réunit le 12 mai afin de débattre de ce problème. Le Conseil décida de revenir sur les accords de 71 et recommanda aux membres de l’Union de ne tenir compte que des arrangements d’avant 71.

Le 24 août, les autorités iraniennes ont consigné dans leur rapport qu’une centaine d’individus de différentes nationalités avaient été refoulés alors que ces derniers tentaient de pénétrer sur l’île. Selon une source iranienne la raison de ce refus a été la preuve visuelle de la présence sur la partie arabe d’Abou Moussa d’individus armés d’origines diverses (y compris des européens) impliqués dans des activités qualifiées de suspectes.

La tension retomba durant le dernier trimestre de 92. Mais fin décembre, le Conseil de la Coopération du Golfe Persique, dans sa déclaration de clôture du 13ème Sommet des Pays Arabes qui se tenait à Abu Dhabi, somma l’Iran de mettre fin à « l’Occupation » des deux Tumbs.

Liste non-exhaustive des Arguments de EAU

Les principaux arguments avancés par les EAU et les réponses faites par l’Iran

1- Priorité d’occupation Le premier argument évoque une priorité d’occupation. C’est une revendication brouillonne qui feint d’ignorer les faits suivants : A - Les Emirats ont fait leur apparition politique dans la région seulement à partir du XIXeme siècle alors que l’existence de l’état iranien a été établie depuis plus de 20 siècles : L’Iran étant le seul état souverain à proximité des îles en question durant ces siècles. Tous les documents historiques confirment que les îles situées dans la moitié nord du Golfe Persique ont toujours appartenu à l’Iran.

B - Ras-al-Kheimah a fait son apparition au début du XXeme et Sharjah n’était pas à l’époque un émirat d’une taille à revendiquer des territoires insulaires. Le sheikh de Sharjah n’était alors qu’un chef de tribu sous protectorat britannique : son autorité était d’ordre tribale et non d’ordre territoriale.

Par ailleurs, il ne faut pas ignorer que les britanniques ne reconnaissaient aucune autorité politique ou territoriale à ces chefs tribaux. Les britanniques avaient investi les pouvoirs dans le Golfe Persique en parti afin de neutraliser les actes de pirateries perpétués par ces mêmes chefs de tribus le long de ces côtes qualifiées d’ailleurs par les historiens de « Côte des Pirates ».

C - Au cours du XIXeme siècle l’Iran a passé un accord avec l’Oman par lequel d’abord Fath Ali Shah (d’Iran) en 1811 et plus tard Nasser Eddin Shah en 1856 garantissaient un bail d’usage au Sultan d’Oman sur un territoire qui englobait les ports du Bandar Abbas et du Minab et s’étirait le long des côtes du sud jusqu’au Bahrein. Les îles d’Abou Moussa et les deux Tumbs se trouvent au centre de ce périmètre appartenant à l’Iran. Il est de ce fait inimaginable qu’on puisse les soustraire à la souveraineté iranienne.

D - La souveraineté iranienne et sa propriété sur ces îles et autres territoires insulaires ainsi que sur le continent ont été établis « traditionnellement » et sans déploiement de drapeau (iranien). « La coutume a force de loi ». Le fait d’occuper ou de s’approprier un territoire en y hissant son drapeau est une façon d’agir importée par les puissances européennes.

E - Dès 1887, pour se conformer à cette nouvelle règle, l’Iran a hissé son drapeau sur les îles de Sirri et d’Abou Moussa pour signifier sa propriété sur ces deux îles après avoir mis fin au mandat de « Gouverneur-Délégué » accordé au Tribu Qassemi dans la région du port de Bandar Lengueh.

F - Des documents géographiques des historiens arabes ou musulmans spécialistes de la période post-islamique mettent en évidence que l’ensemble des îles du Golfe Persique appartenait à l’Iran.

G - Le premier ministre iranien Haji Mirza Aghassi a proclamé la propriété de l’Iran sur l’ensemble des îles du Golfe Persique en 1840. Cette annonce n’a été mise en cause par aucun des états du Golfe, ni à cette époque ni par la suite.

H - Suite à l’établissement d’une branche de la Tribu Qassemi dans la région de Lengueh, un document officiel des britanniques fait mention de « l’occupation des îles iraniennes par les Qassemi, durant la trouble période après la disparition de Nader Shah ». Ce récit apporte une nouvelle preuve de la propriété de l’Iran sur les Tumbs, l’Abou Moussa et la Sirri et aussi le fait que les îles ont été illégalement occupées pendant une vacance de pouvoir en Iran.

I - Plus de 25 cartes officielles ou semi-officielles établies par les britanniques entre le XVIIIeme et XIXeme et découvertes par nos soins réaffirment la propriété de l’Iran sur ces îles.

J - Sir E. Beckett, un expert nommé par Le ministères des Affaires Etrangères du Gouvernement Britannique et qui assiégea par la suite à la Cour internationale de Justice, décreta en 1932 que les iraniens avaient la souveraineté sur les Tumbs et l’Abou Moussa en 1887-88.

2- Correspondances du XIXeme siècle Mis à part ces arguments avancés par les britanniques durant l’ère coloniale et qui sont anciens ou obsolètes, les EAU fondent leurs revendications sur un certain nombre de lettres échangées entre les « Qassemi de Bandar Lengueh » et « ceux de Sharjah et Ras al-Kheimeh ». Cette correspondance débute vers 1864 et son contenu est contradictoire, laissant apparaître des demandes fantaisistes sur diverses localités de la région. Une lettre semble se démarquer. Elle est rédigée par Le Sheikh Yusef al-Qassemi de Bandar Lengueh au Sheikh de Ras al-Kheimeh. Il y déclare :« L’île de Tumb est véritablement, ou réellement, la vôtre ». Il y a un doute sur le sens accordé à cette phrase car elle prend l’aspect d’une formule de politesse en vigueur en orient. Quelques lignes avant cette déclaration, le Sheikh Yusef ajoute cet autre compliment : « et la ville de Lengueh est la vôtre », pourtant personne, à aucun moment, n’a mis également en cause la propriété de cette ville de Lengueh qui se trouve sur le sol iranien. Cette référence à Lengueh et à sa propriété par le Sheikh de Ras al-Kheimeh font apparaître qu’il ne peut s’agir que d’une simple formule de politesse (ce qui est à moi est à toi ... ). Les EAU fondent leur revendication sur une formule de politesse et de bien séance prise au premier degré.

Lorsque en 1929, le Roi Abdul Aziz d’Arabie Saoudite écrivit au Sheikh de Bahrein pour se plaindre des mauvais traitements faits à ses sujets, ce dernier lui répondit par une lettre dans laquelle est écrit « Le Bahrein, le Qatif, l’Hasa et le Nejd vous appartiennent unanimement, Votre Majesté ! ». L’inclusion de son propre état dans cette liste ne surprend personne car il s’agissait d’un pur compliment et a été perçu comme tel par le Roi Saoudien.

Réactions Internationales Les réactions internationales suscitées par les revendications des EAU concernant les îles iraniennes d’Abou Moussa et des deux Tumbs ont été plutôt impartiales malgré une véhémente campagne de dix ans menée par l’Abu Dhabi. Durant cette campagne, cet Emirat tenta de politiser le débat afin d’impliquer la communauté internationale et d’isloer l’Iran.

Mis à part les déclarations routinières de la Ligue Arabe et des pays arabes du Golfe Persique réaffirmant leur soutien aux EAU, les pays arabes ont su garder leur impartialité et présentaient confidentiellement des excuses aux autorités iraniennes, prétexant qu’ils y avaient été contraints. Cette duplicité est le signe d’un scepticisme des pays arabes du Golfe quant au bien fondé de ces revendications et plus particulièrement en raison de l’importance qu’accordent les arabes du Golfe et les iraniens à la coopération politique.

Aucun des grands pouvoirs occidentaux ne s’est aventuré à prendre position dans cette dispute. Parfois, certains hommes politiques ont fait des déclarations de soutien à l’Abu Dhabi mais la neutralité de leur gouvernement les a fait se rétracter.

Il fut le cas avec la parution de la dernière édition de « Golfe 2000 : Sécurité dans le Golfe Persique » (Ed. Université de Columbia sous la direction de Gary Sick assisté par Dr. Lawrence Potter). Gary Sick a été un des conseiller de Jimmy Carter, et il est réputé comme le plus actif lobbyiste de Khatami aux Etats-Unis. L’ouvrage penche ouvertement en faveur des revendications des EAU. Les points de vue sensés être en faveur des iraniens émanent exclusivement des « non-spécialistes » et sont selectionnés afin de ne pas pouvoir faire le poids face aux arguments développés par l’expert des Emirats AU, Dr. Al-Alkim. Ce dernier a ainsi la voie libre pour se lancer avec la zèle qu’on lui connaît dans la défense les thèses qui lui tiennent au coeur au service des revendications d’Abou Dhabi... Les allégations des auteurs ont jeté le discrédit et le doute sur l’ouvrage de Gary sick et ont contribué à isolé les EAU et finalement, elles ont contraint l’Abu Dhabi à abandonner sa politique d’hostilité envers l’Iran en 2002.

L’ouvrage contreversé et maladroit de Sick-Potter a qualifié la situation d’une « Affaire en Cours, remettant en doute la légitimité de l’accord anglo-iranien !

Evidemment, les britanniques ont agi selon les règles internationales et par leur mandat de Protecteur légal des Emirats, ils avaient pleinement le droit de mener des négociations qui ont conduit aux accords statuant sur les deux Tumbs (définitivement restituées à l’Iran) et sur l’Abou Moussa (partagée entre l’Iran et le Sharjah). Seule, la Grande Bretagne était habilitée à contester les accords ou à protester officielement contre l’Etat Iranien. Dans sa déclaration officielle de 1971, l’envoyé permanent de la Grande Bretagne à l’ONU a mis en évidence la qualité indéniable des négociations et de l’accord final. Cette déclaration contredit sans aucune ambiguïté ce surprenant point de vue de Gary Sick.

Conclusions sur une Affaire Conclue Les faits historiques sont des preuves en soi. Ces tentatives de réclamations sur les îles paraissent aussi vaines que la hargne à vouloir renommer cette étendue d’eau qui a toujours porté le nom du Golfe Persique. Notre territoire national nous a été restitué malgré ces tentatives qui ont été accompagnées par des occupations qui ont échoué. Ces occupations et les réclamations se sont inscrites dans un jeu dont seule la diplomatie britannique en a le secret : complots et manipulations se sont succédés comme autant de constantes d’une diplomatie au service d’une nation qui n’a jamais caché sa volonté de maîtriser tous les plans d’eau stratégiques du globe. Tant de ruses et de tactiques ont été déployées parce que les intéressés savaient pertinemment qu’une revendication n’a jamais été une preuve en soi.

Bien de ceux qui ignorent la réalité historique se laissent avoir par ce jeu et y laissent leur énergie et leur temps. Sans une connaissance historique de cette région, il est fort probable d’être victime de ces habiles manipulations. Ce manque d’information va de pair avec une désinformation intentionnelle permanente qui prépare les esprits et encourage les attitudes hostiles envers l’Iran et les iraniens qui sont dans leur droit.

Les négociations de 1971 à 1973 ont conduit les britanniques à abandonner les réclamations. Leur envoyé à l’ONU a reconnu publiquement et à l’adresse de la communauté internationale, la valeur et la qualité de ces négociations. Les anglais ont par cet acte mis un terme officiel à toute revendication et rendu caduque toute réclamation qui aurait été faite en leur nom.

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lundi, juillet 11, 2005

Contrat pour construction d'usines d'éthylène en Iran

(Cercle Finance) - Un consortium emmené par l'allemand Linde et regroupant le sud coréen Hyundai Engineering and Construction Company et l'iranien Sazeh a remporté un contrat d'une valeur totale de 1 milliard d'euros pour la construction de deux usines de production d'éthylène dans le Golfe persique.

La commande a été passée le 3 juillet 2005 par la société locale Bakhtar Petrochemical.

Linde devrait recevoir 400MlsE sur le montant total de la commande.

Les deux usines, identiques, auront une capacité annuelle de 1,2 million de tonnes d'éthylène. Situées dans la région de Bandar Assaluyeh, en Iran, elles devraient être opérationnelles dans quatre ans.

A la Bourse de Francfort, l'action Linde progresse de 1,4% à 56 euros.

vendredi, juillet 01, 2005

L'Iran, centre du monde

Le Figaro, LA CHRONIQUE d'Alexandre Adler
[30 juin 2005]

L'élection de l'ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad à la présidence est une surprise de taille. Toutes les balises depuis des mois montraient un courant presque irréversible de rapprochement entre l'Iran et l'Occident, voire entre l'Iran et les Etats-Unis. Il ne s'agissait d'ailleurs pas, à la différence du printemps libéral de 1997 qui avait vu l'élection surprise du président Khatami, d'un véritable dégel de la société civile. Malheureusement, en effet, le blocage efficace de la présidence par la mollahcratie avait peu à peu enlisé l'élan libéral dans une guerre de tranchées qui avait fini par décourager la jeunesse et les classes moyennes.

Dans le même temps, la hausse rapide du prix des hydrocarbures jusqu'aux 60 dollars actuels avait redonné une marge de manoeuvre sérieuse à l'Etat théocratique, capable de redistribuer ses rentes sans pour autant améliorer la productivité, voire la production. Il en est résulté un mécontentement des producteurs, combiné à un apaisement de ce qui constitue la garde prétorienne de ce qui reste du fascisme islamique iranien. Les premiers se sont refusés à voter pour Rafsandjani, faisant baisser la participation électorale aux alentours de 40%, les seconds ont marqué leur soutien à celui qui assurait jusqu'à présent la garde de la mairie de Téhéran, contre déjà l'entourage le plus progressiste des amis de Rafsandjani, le courageux ancien maire Karbachi et la propre fille de l'ancien président. C'est ainsi qu'une conjoncture défavorable est venue contrarier une structure déjà en place.

Examinons cette structure d'un peu plus près : dès la destruction du régime des talibans, l'Iran a joué, en conjonction avec les Etats-Unis, sur la recommandation de Rafsandjani qui exerçait alors, à la tête du Conseil de discernement, l'influence décisive sur le guide de la révolution Khamenei. Contre toute attente, l'ouverture afghane était suivie d'une brèche irakienne. Aujourd'hui, la diplomatie de Téhéran et celle de Washington sembleraient parfois n'en faire qu'une, n'était l'épineux problème nucléaire. Il y a une raison profonde à cette convergence, qui réside dans la volonté de l'Iran de sortir du corset où l'avait placé la politique d'isolement régionale voulue de longue main par la monarchie saoudienne. Par les liens de l'aile la plus intégriste du pouvoir saoudien avec les militaires pakistanais, Riyad était parvenu à soustraire la quasi-totalité de l'Afghanistan à un Iran pourtant proche, hormis la petite zone tadjike contrôlée par Massoud jusqu'en septembre 2001. Par un rapprochement très discret avec l'Irak de Saddam Hussein, où les services secrets pakistanais n'ont pas été inactifs, les Saoudiens complétaient le verrouillage de l'Iran et encourageaient l'oppression de la majorité chiite et kurde de la population irakienne.

Les interventions américaines, qui font suite au 11 septembre 2001, ont donc été considérées par l'aile réaliste du pouvoir iranien comme une bénédiction de Dieu. Les Américains, sans le comprendre, venaient de hisser le drapeau iranien à Bagdad et à Kaboul. Certes, des voix s'élevaient aussi bien à Téhéran que chez certains mollahs irakiens ainsi que chez l'allié syrien, pour mettre en garde contre un tel vertige géopolitique. Dans un premier temps, le Hezbollah libanais résistait lui aussi de toutes ses forces à la nouvelle donne régionale, son chef Nasrallah, maintenant son alliance avec Damas et son soutien aux extrémistes chiites en Irak, allant même jusqu'à une presque rupture avec son maître et prédécesseur Cheikh Fadlallah qui, lui, ne rêvait que de se réinstaller dans la ville sainte de Nadjaf, capitale spirituelle et irakienne des chiites. Même ces réserves auront été emportées par la volonté de Téhéran de coller à l'ayatollah Sistani et à la grande majorité des chiites irakiens, favorables à la présence américaine. Il n'est pas jusqu'à Nasrallah lui-même qui ne se soit autorisé un éloge vibrant de l'actuel premier ministre irakien Djaafari, avec lequel il avait étudié la théologie.

La vérité est simple : l'Iran voulait jusqu'à présent le succès du pouvoir chiite en Irak presque autant que les Américains. Plus vite le succès intervenu, plus vite le départ des troupes américaines, et ainsi le triomphe d'une conception géopolitique qui installait depuis Beyrouth à l'Ouest jusqu'à Peshawar, une sorte de nouvel empire achéménide dominé par les Iraniens. Les Américains n'avaient d'autre solution que de souscrire à ce grand dessein moyennant quelques habiles concessions en matière nucléaire, survenues après une longue négociation bazari dont Rafsandjani a toujours eu le secret. Ce triomphe géopolitique programmé faisait en même temps bon ménage avec la décomposition idéologique progressive d'un régime théocratique bien fatigué dans une légitimité révolutionnaire qui remonte à un bon quart de siècle, pas trop glorieux dans l'histoire millénaire de la Perse.

Une telle situation est bien connue : elle s'appelle le bonapartisme. L'épuisement d'un régime révolutionnaire et ses succès paradoxaux sur les théâtres extérieurs avaient déjà eu lieu dans la France de la fin du Directoire. Il aura suffi à Bonaparte de changer le centre de gravité de la société française pour capitaliser de la manière que l'on sait, sur les premiers succès extérieurs de la République finissante. Malheureusement, le 18 Brumaire de Rafsandjani vient d'être mis en échec, sans doute par la combinaison de cynisme excessif et d'usure du pouvoir de son principal protagoniste.

Nous nous garderons de toute prophétie. Mais tout le monde voit que nous sommes dans une équation du troisième degré. Première possibilité, Ahmadinejad choisit le renversement des alliances et mène la guerre aux Américains mais aussi à ses coreligionnaires en Irak, avec l'approbation d'al-Quaida. Deuxième hypothèse, la rue aux tendances libérales et démocratiques de Téhéran se soulève entre le vote minoritaire et parfois truqué des pandores et de la paysannerie de province et c'est alors la guerre civile. Troisième hypothèse : Rafsandjani organise un contre-coup d'Etat bonapartiste pour désarmer cette plèbe fanatique qui, le faux suffrage universel en plus, ressemble à ce que fut «la bande des quatre» à Pékin, peu avant la mort de Mao. Une seule certitude : l'Iran est redevenu le centre du monde.